La Forêt Tueuse

Lorsque vous vous promenez en forêt, ne vous écartez pas des chemins balisés. A moins de savoir vraiment ce que vous faites, cette exploration hors-piste pourrait être la dernière de votre vie.

Un panneau indicateur de la forêt de Compiègne

Jacques R. et Catherine F. viennent de s'installer à Creil, dans l’Oise. Lui, 27 ans, vient d’être accepté comme employé de banque dans une agence à moins de cinq minutes de chez eux. Elle, 26 ans, est une jeune professeure de français dans un collège à quelques kilomètres d’ici. Jacques et Catherine sont en couple depuis trois ans, commencent à parler mariage. Leur maison à Creil n’est pas très grande, mais elle est juste à la bonne taille pour un jeune couple qui n’exclut pas un heureux évènement dans les quelques années à venir.

Ce samedi 30 septembre 1978, le couple veut profiter des premières lueurs d’automne pour une dernière promenade en forêt avant que le froid ne repousse ce projet au printemps prochain. La rentrée a été plus fatigante que prévu, ils ont tous les deux besoin de reprendre des forces, et donc de prendre l’air.

Jacques et Catherine prennent la voiture, une vieille carte, et se mettent en direction de la forêt de Compiègne. Cette forêt est la quatrième plus grande de France, plus grande que Paris intra-muros. La traverser de bout-en-bout demande près de deux heures, et son millier de kilomètres de chemins aménagés permet de magnifiques promenades. Avec les premières feuilles morte, les teintes sont presque surnaturelles.

Il est 14h40 lorsque la Renault 5 rouge de Catherine se gare sur un parking à l’orée de la forêt. Le jeune couple a largement le temps de faire la randonnée qu’ils désirent avant la tombée de la nuit. Pour se protéger du froid, Jacques a choisi un imperméable rouge, tandis que Catherine a préféré un caban bleu marine et une écharpe imitation Burberry. Ils enfilent leurs chaussures de marche et empruntent le premier chemin qui s’ouvre devant eux.

Une après-midi d'automne à la forêt de Compiègne

Ils ne sont pas les seuls à avoir eu cette idée. Beaucoup de marcheurs arpentent la forêt de Compiègne ce dimanche. Jacques n'a pas pensé à prendre un plan, il propose de suivre des chemins balisés qui lui paraissent moins connus, moins fréquentés.

Une des curiosités de la forêt de Compiègne se trouve aux croisements de ses routes. A chaque carrefour s’élève un poteau qui indique les directions principales, les lieux les plus remarquables, ainsi qu’un trait secret permettant de retrouver le château de Compiègne facilement. A partir de là, il est théoriquement impossible de se perdre.

Théoriquement.

Car frustrés de voir que chaque poteau ne conduit qu’à un autre poteau, et soupçonnant les routes de leur faire faire d’inutiles détours, Jacques et Catherine décident de couper à travers les bois. L’air s’épaissit, la nuit commence à tomber. Jacques regarde sur sa montre : il n’est pourtant que 16h10. Trop tôt pour le crépuscule.

Alors, Jacques et Catherine s’enfoncent dans les bois, drapés d'un léger brouillard. Leurs bruits de pas s’évanouissent au fur et à mesure… et disparaissent.

Une forêt dans la brûme naissante

Le lendemain matin, à 9h10, le téléphone de Jacques R. et Catherine F. sonne. Personne ne décroche. Il sonne encore, encore, et encore. Jacques est attendu depuis plusieurs minutes par un client, son chef aimerait bien savoir ce qui le retient. Quelques minutes plus tard, autre appel. Le directeur du collège de Catherine F. est furieux. Il n’aime pas ne pas être averti des absences de son personnel.

Plusieurs jours passent avant que la disparition de Jacques R. et Catherine F. soit signalée par leurs familles respectives. Les recherches durent plusieurs jours. La police enquête dans l’ensemble du département, mais l’absence d’éléments significatifs ou même de piste compliquent l’enquête. La Renault 5 rouge a bien été retrouvée, des battues ont été organisées mais trop tard, bien après leur disparition. S’il y avait des traces de pas, elles ont été recouvertes, et avec elles de cruciaux indices emportés à jamais.

Aux yeux de la France, de leur famille et de leurs amis, Jacques R. et Catherine F. ont trouvé la mort. Des funérailles sont organisées. On enterre des cercueils sans corps. De longues années de deuil commencent.

~

Jake T. est garde forestier dans le parc du Rimutaka, près de Wellington, en Nouvelle-Zélande. Il est près de 11h30. Au talkie-walkie, son collègue l’appelle, paniqué. Jake T. se précipite à sa rencontre et contemple avec dégoût sa découverte.

Deux cadavres.

Leur peau est très blanche, presque verdâtre. Leurs visages, méconnaissables, sont lacérés de plusieurs griffures très profondes, leurs yeux sont crevés et leurs bouches sont béantes. Si elles n’étaient pas mortes, elles hurleraient.

Le premier corps est vêtu d’un caban bleu marine et une écharpe imitation Burberry. Le second, d’un imperméable rouge. A son poignet, une montre digitale. Elle fonctionne encore. On peut y lire “18:06”. La date indique “30/09”

Nous sommes alors le 7 mai 2010.

Quelques jours plus tard, l’affaire sera retirée des mains des services néo-zélandais et tombera très vite dans l’oubli.

Sauf pour une personne à Compiègne qui sera chargée de modifier, discrètement, officieusement, quelques poteaux indicateurs.

Au loin, un panneau indicateur de la forêt de Compiègne


Commentaires

  1. de toute manière marcher ça fait mal aux pieds. puis ya pas la 4g en forêt. ni dans l'Oise en fait.

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  2. Je suis née le 30 septembre ;¬;

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